Présenté le 9 janvier 2018 par Edouard Philippe, lors du Comité Interministériel de la Sécurité (CISR), le projet de loi visant à réduire la vitesse de 90 à 80km/h sur les routes départementales continue de faire couler beaucoup d’encre. Avec une mise en application prévue pour le 1er Juillet 2018, le gouvernement français peine à convaincre les automobiles du bien-fondé de ce projet de loi. Retour sur un dossier qui divise au sein de l’Hexagone.

Le Projet de loi : présentation

La réduction de vitesse de 90km/h à 80km/h s’appliquerait sur toutes les portions de départementales à deux voies, sans séparation centrale. Selon les études menées par la sécurité routière, près de 55% des accidents mortels enregistrés en 2016 sont survenus sur ces tronçons de route.

Pour trouver une solution à ce problème, l’état a mis en place depuis l’été 2015 des test sur 3 portions de routes concernées. Bien que les chiffres n’ont pas encore été communiqués, ils semblent avoir influencé le gouvernement dans sa prise de décision concernant son plan de politique nationale sur la sécurité routière. Il est aussi important de noter que le Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR) recommande l’application de ces politiques publiques depuis 2013.

Vous pouvez également retrouver l’information sur la page officielle du Projet de Loi.

Quels seraient les avantages de ce projet de loi ?

Selon le gouvernement, les intérêts seraient multiples comme le montrent les estimations suivantes :

  • Réduction de la mortalité, à hauteur de 400 morts en moins par an
  • Réduction de la pollution, jusqu’à -30% d’émissions carboniques par an
  • Réduction de la facture de carburant pour les usagers, pouvant aller jusqu’à 120€ par an.

Il s’agit donc pour l’Etat d’une mesure de protection, à la fois pour les conducteurs, mais aussi pour l’environnement.

Pourquoi une mesure aussi avantageuse est-elle impopulaire ?

Si les organismes publics semblent être arrivés à un consensus sur les bienfaits de cette mesure, les automobilistes français sont, en revanche, beaucoup moins enthousiastes : les associations “40 millions d’automobilistes” et la “Ligue de Défense des Conducteurs” sont d’ailleurs montés au créneau pour dénoncer un impôt déguisé de la part de l’état et une régression des droits des conducteurs.

Selon eux, la vie des automobilistes deviendrait de plus en plus compliqué avec la mise en application de ce projet de loi. Ils soulignent notamment la présence accrue de radars sur ces tronçons. Sans preuves tangibles d’améliorations au niveau de la mortalité routière, ils estiment également que ce projet de loi n’est rien d’autre qu’une façon déguisé d’enlever davantage de points sur les permis de conduire des usagers. En bref, une série de mesures visant à compliquer davantage la conduite.

Ce sont plus d’1,5 millions de signatures à l’encontre du projet de loi qui ont été récoltés par les deux organisations. Ces dernières comptent bien s’en servir pour faire pression auprès du gouvernement français.

Si les mesures politiques impliquant des réductions de vitesse ont toujours été impopulaires (le projet de Jacques Chirac en 2001, par exemple) leur efficacité n’en a pas moins été prouvée. En effet, on peut observer les chiffres qui nous révèlent une mortalité en forte baisse :

Téléchargez le document contenant les chiffres de la mortalité routière en France de 1970 à 2014

Vous pouvez également télécharger tous les rapports annuels de la sécurité routière à cette adresse :

http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securite-routiere/accidentalite-routiere/bilans-annuels

Avec l’augmentation de la mortalité routière depuis 4 ans, il n’est guère surprenant que le gouvernement français cherche à faire passer de nouvelles mesures pour freiner, voire inverser la courbe.

Cependant, l’application du projet de loi en juillet ne se fera pas sans conséquences. De nombreux problèmes vont survenir suite à cette mesure :

  • Légiférer sur l’abaissement proportionnel de la vitesse des poids lourds ;
  • Les coûts de remplacement des panneaux 90 ;
  • Les conflits inexorables avec les syndicats des routiers ;
  • l’abaissement de la vitesse des conducteurs apprentis ;
  • Alourdissement du volumes des actes administratifs des forces de l’ordre (et du service public en général).

Des arguments discutables

Et pour perturber encore plus la cohésion sociale française, des preuves ont été avancées dans chaque camp pour confirmer ou discréditer cette nouvelle mesure. Ces dernières sont souvent discutables et compliquent davantage le débat, au lieu d’y apporter des solutions concrètes.

Vous pouvez observer une petite liste non exhaustive d’arguments pouvant être considérés comme “fallacieux” de chaque camp. On notera par exemple les publications de Nilsson & Elvik, dont les études sur la vitesse des transports particuliers ont longtemps fait cas d’école au sein du gouvernement.

Téléchargez l’étude de Nilsson & Elvik au format PDF

 

Pour Contre
Mise en place de 3 tronçons de test où la vitesse a été réduite de 10 km depuis l’été 2015
On constate une absence de communication sur les résultats obtenus
Vitesse plus élevée dans des pays voisins sans forcément de mortalité accrue
Dans des pays comme l’Allemagne où les limitations de vitesses sont plus souples, la mortalité est moindre car les automobilistes allemands respectent davantage les limitations que les automobilistes français.
L’argumentaire “scientifique” des organismes public basé sur une étude de deux chercheurs : Göran Nilsson et Rune Elvik.
Leurs recherches ont étés vivement critiquées, notamment par les associations d’automobilistes car les deux chercheurs ne prennent pas en compte de nombreuses variables comme l’évolution de la technologie, l’état des routes ou encore les modèles de véhicules.
Vitesse plus élevée dans des pays voisins sans forcément de mortalité accrue
Il s’agit bien souvent de moyennes car les zones dangereuses sont bien souvent limitées à 70km/h, voire moins selon le contexte.

Ainsi, avec la présence d’arguments aussi discutables d’un côté que de l’autre, seuls les chiffres de la sécurité routière pourront dire, avec le temps, si cette mesure s’avérera positive ou négative pour la France et les Français.

En bref :

La prudence est donc de mise concernant ce projet de loi. Seul le temps saura nous dire si les bénéfices seront plus importants que le durcissement des contraintes de circulation. Il peut être intéressant de noter que la récente augmentation de la mortalité routière coïncide avec la démocratisation croissante des technologies portables comme le téléphone. Finalement, peut-être que le coupable n’est pas celui que l’on croit ?

Catégories : Sécurité Routière

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